jeudi 26 septembre 2013

Incompréhensible !

L’hôtel de Maleville à Sarlat est un lieu très visité. Les touristes viennent y découvrir les œuvres de peintres et de sculpteurs qui exposent dans deux salles du premier étage. 

Un ami m’invite souvent à rester chez lui quand je suis de passage en ville et, régulièrement, j’entends les gens qui découvrent l’escalier en vis monumental s’esclaffer devant l’usure des marches : « Oh ! Tu as vu : on n’est pas les premiers à monter ! » est le genre de remarque que ces degrés suscitent. Voyez la photo.



Pourtant, faites l’essai vous-mêmes et vous découvrirez avec surprise que monter dans la plus grande profondeur des marches est la manière la moins aisée et la plus fatigante. Pour monter facilement, sans se fatiguer, il faut se tenir à une trentaine de centimètres du noyau de l’escalier, là où, justement, les marches ne sont pas usées !… Idem pour la descente.

Certes, cet escalier fut construit à une époque où il n’était plus de mode, alors que l’escalier à l’italienne (volée de marches et palier) avait conquis le royaume. Cela explique sans doute qu’il ne soit pas aussi facile à escalader que l’escalier en vis du XVe siècle d’une tour de noblesse comme on les rencontre en ville. Mais pourquoi monter à l’endroit où c’est le plus fatigant ? Avec un tel esprit on n’aurait jamais inventé la brouette !

La seule explication qui me vienne c’est que cet endroit était fréquenté par des gens « de la haute », vêtus de beaux atours et les dames, avec l’ampleur de leur robe, étaient obligées de rester près du mur, là où les marches sont larges, les seigneurs les suivant selon le même tracé.


Si quelqu’un à une autre explication, je suis preneur.

lundi 16 septembre 2013

Le nez en l'air 3 (que veulent-ils nous dire ?)

Quantité de maisons étaient décorées aux Moyen Âge, parfois simplement peintes de scènes religieuses ou de ce qui deviendra un jour les enseignes, parfois, pour les plus cossues, ornées de sculptures dont le sens souvent nous échappe. Quelques exemples :



1 -  Serait-ce Jonas avalé par la baleine ? En tout cas, il passe un mauvais quart d’heure le bonhomme !



2 - Et ce chien  dont les oreilles sont mordillées (ou déchiquetées ?) par deux autres chiens furieux ?


3 - Ce personnage aux jambes écartelées au coin d’une maison symboliserait la limite entre deux paroisse d’après M. E. Payen, l’architecte qui se chargea de la réfection des espaces publics de la ville.



4 - Ce personnage, qui ressemble à un clerc, orne le coin de la maion de l’autre côté de la rue.




5 - Sur la façade de l’église Sainte-Marie, ce chien, cet ours qui se moquent de nous et de nos petits problèmes, et ce porc qui rit tant que les pattes lui en tombent, pourquoi sont-ils présents à cet endroit-là ? 

mardi 3 septembre 2013

Le nez en l'air 2 (Putain de moine !)

Putain de moine !

Avec toutes mes excuses pour la vulgarité du titre, je trouve qu’il convient bien au sujet.

Quand j’ai commencé à faire visiter Sarlat aux touristes, j’imitais beaucoup mes collègues guides, deux jeunes femmes bien plus expérimentées que moi, et j’écoutais tout ce que des Sarladais bien intentionnés et amoureux de leur ville venaient me confier au creux de l’oreille. Plusieurs personnes, des esprits forts comme on disait avant, voulurent me démontrer qu’une tradition libertaire et libertine existait ici depuis très longtemps. La preuve était cette sculpture de moine sur la façade de l’hôtel Plamon :

Tu imagines, me disaient-ils, juste à côté de l’église paroissiale, oser sculpter sur la façade de l’immeuble bourgeois d’une des plus grandes familles sarladaises, un moine en train de se masturber !… Quel culot ! Quelle audace !

Un moine en train de se masturber…

Mouais. En fait, au cours de leur histoire les Sarladais n’ont pas toujours montré un esprit d’avant-garde. Je pense aux XIIe et XIIIe siècles où la ville ne connût pratiquement pas de cathares pourtant bien présents sur la vallée de la Dordogne toute proche. Je pense à l’accueil chaleureux de saint Bernard, représentant de l'ordre et de l'orthodoxie. Je pense aussi aux périodes des « troubles civils » du XVIe siècle, ce qu’on appelle aujourd’hui les guerres de religion, où les Sarladais se tinrent nettement du côté du pouvoir central. Je pense enfin au XVIIIe siècle où le premier maire révolutionnaire de la ville fut… l’évêque et où, à part l’abbé Pierre Pontard dont je reparlerai un jour, la ville ne se fit pas spécialement remarquer par sa vigueur révolutionnaire (ce qui est plutôt un bon point dans la mesure où cette vigueur était alors assez sanglante)… Pour être franc, cette histoire de moine me tracassait.

 Vu de profil, en clignant des yeux, on pourrait y croire… quoique…

Un jour, remarquant toute proche l’échelle du technicien qui entretenait le bec de gaz voisin, j’en profitai pour monter mettre le nez sur l’objet délictueux. Bien m’en pris puisque je découvris que cette belle légende était fausse. Voyez la photo : 1/ Ce n’est pas forcément un moine, l’homme portant le vêtement de l’époque et 2/ Il tient entre sa main qui le masse son pied droit endolori. Je dirais que c’est un pélerin fatigué d’avoir trop marché… exit le libertinage.

 Comme ça, de face, aucun doute. Il tient son pied mais ne le prend pas !

Curieusement, ces sculptures coquines se rencontrent plutôt sur les églises romanes qui, dans la région, datent pour la plupart, du XIIe siècle, alors que l'hôtel Plamon date du XIVe siècle. On en découvre un certain nombre sur les voussures du portail roman de la cathédrale de Cahors, par exemple (transporté sur le côté nord du bâtiment). Même de petites églises comme à Carsac, ou Cénac, pour rester près de Sarlat, nous donnent quelques exemples de postures peu orthodoxes, charmantes dans la naïveté de leur exécution.

Euh… je me relis… et je précise : exécution de la sculpture, bien sûr, pas des postures !